Auteur Sujet: Qu'est-ce que mai 68 ?  (Lu 1693 fois)

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Qu'est-ce que mai 68 ?
« le: avril 28, 2008, 11:49:17 pm »
Qu'est-ce que Mai 68 ?

Si l’on en croit ceux qui l’ont fait, Mai 68 est l’« Événement majeur » de la seconde moitié du XXe siècle : « Les mots d’ordre géniaux, poétiques, jaillissent de la foule anonyme. Les éducateurs sont rapidement éduqués : des professeurs d’université et des directeurs de lycée ne reviennent pas de la surprise que leur causent l’intelligence de leurs élèves et la découverte de l’absurdité et de l’inutilité de ce qu’ils leur enseignaient. En quelques jours, des jeunes de vingt ans atteignent une compréhension et une sagesse politiques que des révolutionnaires honnêtes n’ont pas encore atteintes après trente ans de militantisme… » (C. Castoriadis). Ceci sans rire… Pourquoi Mai 68 en fait ?

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    Qu'est-ce que mai 68 ? Les interprétations deux ans après ...
    « Réponse #1 le: avril 28, 2008, 11:52:09 pm »
    Les interprétations deux ans après…
     
    Revenons sur terre. Deux ans après les événements, en 1970, les sociologues Bénéton et Touchard avaient répertorié les interprétations données alors à la crise, qui toutes se présentaient comme exclusives :

    - La thèse d’un complot : développée à chaud, pendant les événements, par De Gaulle et Pompidou, cette thèse présentait Mai 68 comme monté par le Parti communiste.

    - La crise de l’université. Le nombre d’étudiants explose au cours des années 1960, accueillant des populations totalement nouvelles, issues de la classe moyenne, mais moins assurées d’obtenir un statut social important à l’issue de leurs études. La marginalisation sociale des étudiants aurait été selon d’autres le fait déclencheur de la crise.

    - Une révolte de la jeunesse, un coup de sang, comme un carnaval ou une bacchanale. Pas d’autre explication ici qu’un « pétage de plomb ».

    - Une crise de civilisation, remettant en cause la société de consommation et par contrecoup les valeurs de progrès issues des Lumières qui, finalement, ne semblaient pas mener à grand chose d’autre qu’au développement de la consommation.

    - Un nouveau conflit de classes, opposant non plus les travailleurs contre les détenteurs du capital, mais l’ensemble des professionnels contre les technocrates qui contrôlent désormais les grands secteurs de l’activité sociale.

    - Un conflit social traditionnel, suite à un fléchissement de la production et un accroissement brutal du chômage, quatre fois plus élevé en 1968 qu’en 1964 (mais ce chômage, vu de 2008, semble bien dérisoire puisqu’en avril 1968 on recensait 245 000 demandeurs d’emploi…). Pour le Parti communiste, ce sont les grèves ouvrières qui « font » Mai 68, l’explosion étudiante n’étant qu’un détonateur occasionnel.

    - Un enchaînement non voulu de circonstances fâcheuses : une université (Nanterre) importante mais coupée de l’extérieur, des projets de réforme annoncés mais qui tardaient trop, l’envoi de la police dans la Sorbonne qui met le feu aux poudres, l’absence du Premier ministre puis du Président de la République en voyages protocolaires à l’étranger, etc.

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    Qu'est-ce que mai 68 ? Les interprétations dix et quinze ans après...
    « Réponse #2 le: avril 28, 2008, 11:56:56 pm »
    Dix et quinze ans après
     
    Les interprétations dix ans après…
    Pour Régis Debray en 1978, Mai 68 aurait été poussé par les nécessités cachées du nouveau capitalisme. Pour se développer et créer une véritable société de consommation, il fallait la mort de « la France de la pierre et du seigle, de l’apéro et de l’instit, du oui-papa, oui-patron, oui-chéri ».
    Mai 68 serait selon lui « la triste victoire de la raison productiviste sur les déraisons romantiques ». L’émancipation de la femme permettait par exemple de l’utiliser plus facilement dans l’outil de production. Au nom de la liberté (« Il est interdit d’interdire »), Mai 68 détruisait les dernières contraintes qui retardaient encore « l’extension de la marchandise à tout le champ social ».

    Les interprétations quinze ans après…
    En 1983, Lipovetsky rappelle qu’une éthique d’économie, d’ascétisme et de rigueur (celle des générations précédentes) est tellement incompatible avec une société de crédit et de plaisir immédiat qu’il fallait que ce carcan puisse éclater pour que la société de consommation puisse se développer. Mai 68 aurait simplement permis l’éclosion de nouvelles générations de consommateurs hédonistes et nombrilistes, car libérés des règles : « L’effort n’est plus à la mode, ce qui est contrainte ou discipline austère est dévalorisé au bénéfice du culte du désir et de son accomplissement immédiat. Mai 68 est simplement un événement ponctuel et visible d’une tendance sociétale infiniment plus longue.

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    Qu'est-ce que mai 68 ? Vingt ans après et maintenant après quarante ....
    « Réponse #3 le: avril 29, 2008, 12:02:00 am »
    Vingt après et maintenant
     
    Les interprétations vingt ans après…
    En fait, pour Luc Ferry et Alain Renaut dans La Pensée 68, Mai 68 n’a pas une cause, mais plusieurs, qui se sont conjuguées pour déclencher l’événement. Et surtout, il ne s’agit pas d’un « virage irréversible », mais, comme l’indique Luc Ferry d’« une continuité de l’histoire », de « l’œuvre d’une nécessité souterraine ».
    Le tout dans un contexte intellectuel qui rejette le politique, se replie sur le privé et l’affectif. Finis les grands débats publics des générations précédentes. Tout se vaut. Et l’individu, conduit ainsi vers la « conscience cool et désinvolte » des années 1980, perd à la fois sa hauteur de vue et son aspiration réelle à la liberté.

    Et maintenant ?
    Quarante ans après, sauf pour les acteurs eux-mêmes bien sûr (ils joueront toujours aux papys anciens combattants), Mai 68 semble bien n’avoir été qu’une tempête dans un verre d’eau.
    Mais un verre d’eau porté par un mouvement sociétal de longue ampleur, né avant lui, poursuivi après, et dont on n’a sans doute pas fini de vivre les conséquences.
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    • Oups,... j'ai une poussière dans l'oeil droit !
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    Que sont devenus les rebelles de mai 68 ?
    « Réponse #4 le: mai 02, 2008, 11:20:59 pm »
    Ils étaient sur les barricades il y a quarante ans, et ont cherché à continuer leurs combats par différents moyens. Zoom sur deux figures emblématiques de Mai 68, et sur ce qu’ils sont devenus 40 ans après.

    Rebelle un jour, rebelle pour toujours ?
     
    Daniel Cohn-Bendit est aujourd'hui un homme politique allemand, élu député européen pour le parti écologiste. Mais que vous reste-t-il en mémoire de son dévouement à la cause de mai 68 ? Il s'est pourtant fait connaître comme l'un des animateurs du mouvement. Membre un temps de la Fédération Anarchiste, il finira par se définir comme un libéral-libertaire.
    Il fut en mai 68 avec ses deux acolytes, Alain Geismar et Jacques Sauvageot, parmi les figures de proue du mouvement contestataire. Au point de se retrouver sur la liste noire des autorités françaises, et interdit de séjour en France. Il réussit à revenir clandestinement le 28 mai, déguisé avec des lunettes noires et les cheveux teints, pour assister à un meeting à la Sorbonne où il est acclamé. Les jeunes vont soutenir fermement celui que le nommait « Dany le rouge » avec un slogan : « Nous sommes tous des juifs allemands ».

    Daniel Cohn-Bendit aura attendu dix ans avant d’avoir le droit de revenir en France. Sa fonction de député européen dans un parti progressiste se trouve en quelque sorte dans la continuité de son combat. Sauf que cette fois, c’est dans l’Assemblée qu’il tient ses discours. Anecdote amusante qui montre que cette mémoire de mai 68 n’est pas si loin chez cet ancien leader : alors qu’il était reçu à l’Elysée par Nicolas Sarkozy, il aurait lancé aux photographes « je ne prends pas possession des lieux »… contrairement à ce qu’il avait fait, il y a quarante ans à la Sorbonne !

    Un rebelle de mai 68 a, lui, franchi la ligne. Le philosophe et essayiste français André Glucksmann, qui a participé aux événements de mai 68 et ne cachait pas alors ses couleurs communiste et maoïste, a franchi la ligne idéologique dernièrement. Il a soutenu le candidat Nicolas Sarkozy lors de la dernière élection présidentielle. Beaucoup l’accusent de retourner sa veste. Lui fustige une gauche « qui se croit moralement infaillible » mais a renoncé, écrit-il, au combat d'idées et à la solidarité internationale. Il a poussé la dialectique à son paroxysme dans son dernier livre, qui semble établir le lien entre ses deux époques : « mai 68 expliqué à Nicolas Sarkozy », co-écrit avec son propre fils, afin de mieux expliquer cette révolution qui lui est chère.

    André Glucksmann n’a pas pour autant cessé tout combat pour ce qu’il croit être juste, comme la cause tchétchène ou contre la dictature de Saddam Hussein en Irak. Et il a même soutenu l’intervention américaine en Irak, sous les critiques concertées de la classe politique française. Son penchant répété pour la politique des Etats-Unis en fait souvent la bête noire dans l’Hexagone. C’est peut-être sa manière d’entretenir son côté rebelle !


    « Modifié: mai 02, 2008, 11:25:21 pm par pcnovice80 »
    Pas de panique...le Doc est lĂ  pour nous aider !